Contexte du projet
Les aquifères littoraux constituent des ressources en eau souterraine importantes tant pour les activités humaines (alimentation en eau potable , usages agricoles, industriels, touristiques et conchylicoles) que pour l’environnement (zones humides littorales, marais et lagunes côtières situées à l’exutoire de ces nappes).
Les aquifères côtiers, qui sont en contact avec la mer ou l’océan, sont sensibles aux intrusions salines en conditions naturelles ou sous influence anthropique (ex. prélèvement par pompage). Les intrusions salines sont localisées au niveau du littoral, ainsi que long des cours d’eau au niveau de leur estuaire (abers ou rias), où des langues salées (ou rentrant salé) pénètrent dans le continent. Ce phénomène est considéré comme irréversible, ce qui a des conséquences directes sur l’exploitation de ces aquifères côtiers pour différents usages et sur le milieu naturel.
- Influence d’un pompage sur le biseau salé (Frissant et al., 2009)
Avec ses 2 700 km de côte très découpée, à la géologie complexe et sa fréquentation touristique estivale, la Bretagne apparaît comme une région a priori vulnérable au phénomène d’intrusion saline.
C’est pourquoi le BRGM, la Région Bretagne et l’Agence de l’eau Loire-Bretagne ont lancé une étude intitulée « Sensibilité des aquifères côtiers bretons aux intrusions salines ». Les objectifs de cette étude étaient les suivants :
- Synthèse bibliographique des études existantes et recensement des secteurs déjà identifiés comme sensibles aux intrusions salines en Bretagne, afin de réaliser un premier état des lieux,
- Identification, collecte et analyse des données hydrogéologiques et hydrochimiques disponibles dans les puits et forages situés en bordure littorale,
- Identification des captages d’alimentation en eau potable potentiellement vulnérables aux intrusions salines,
- Test de caractérisation spatiale de l’invasion salée par méthodes géophysiques de surface sur un secteur précis,
- Proposition de dispositifs expérimentaux à mettre en place sur des secteurs précédemment identifiés comme présentant de forts enjeux, afin de caractériser l’interface eau douce-eau salée.
Résultats
La synthèse des données disponibles a montré que peu d’études nationales et locales avaient été réalisées jusqu’alors sur les aquifères littoraux bretons mais que ces études avaient montré une certaine vulnérabilité de la Bretagne au phénomène d’intrusions salines (notamment la côte nord, la presqu’île de Quiberon et les îles morbihannaises - Dörfliger et al., 2011a ; note BRGM 07.03 ; LABOCEA, 2015 ; SOGREAH, 2004).
Un des objectifs de ce projet était d’identifier de manière simple les captages souterrains (forages, puits, sources) utilisés pour l’alimentation en eau potable (AEP) potentiellement vulnérables aux intrusions salines, compte tenu de leur localisation (proximité du littoral), de leur profondeur et de leur altitude. 101 captages AEP souterrains ont été identifiés comme étant potentiellement vulnérables aux intrusions salines, dont 67 actuellement exploités.
- Vulnérabilité potentielle aux intrusions des captages d’eau destinée à la consommation humaine
Afin de garantir la pérennité des captages d’eau potable vulnérables, différentes actions ont été proposées : contrôle du niveau dynamique de la nappe en pompage pour éviter un rabattement excessif, diminution du débit de pompage et augmentation du temps de pompage pour limiter les rabattements, répartition des prélèvements sur plusieurs ouvrages, suivi de la conductivité pendant l’exploitation, sensibilisation des exploitants et de la population au phénomène d’intrusion saline, mise en place d’un observatoire régional afin d’avoir une vision globale du phénomène d’intrusion saline et de son évolution.
Pour tenter d’identifier les secteurs vulnérables au phénomène d’intrusions salines à l’échelle de la Bretagne, plusieurs paramètres ont été croisés et présentés sous forme de cartes au 1/100 000 : données géologiques (failles), géomorphologiques (zones basses, nature du trait de côte et linéaments), dynamique d’érosion du trait de côte et données physico-chimiques ayant permis d’identifier certains captages concernés par les intrusions salines. La majorité des ouvrages présentant une teneur moyenne en chlorures supérieure à 60 mg/L et/ou une conductivité moyenne supérieure à 800 µS/cm sont situés à moins de 1,5 km du trait de côte et dans une configuration particulière du trait de côte (marais maritime, île et presqu’île) et plus d’un tiers se trouvent à proximité immédiate d’une faille ou d’un linéament. Ces critères ont permis de délimiter sous SIG des secteurs potentiellement vulnérables aux intrusions salines :
- zones situées à moins de 1,5 km du trait de côte,
- zones à moins de 500 m des failles et linéaments situés sur le littoral,
- zones basses situées à moins de 15 m NGF.
- Zones potentiellement vulnérables aux intrusions salines
Affichage de la couche pour une échelle comprise entre 1/100 000 et 1/1 000 000.
La couche SIG est également téléchargeable depuis l’Espace cartographique, via le bouton Téléchargement des données affichées à gauche de la fenêtre cartographique.
Ces secteurs peuvent également être affichées dans le visualiseur GéoBretagne.
Des investigations géophysiques sur un secteur test (Plougrescant – anse de Gouermel) ont ensuite été menées afin de localiser et caractériser l’interface eau douce-eau salée mais également dans un objectif méthodologique, afin d’établir une procédure d’investigation adaptée et pertinente pour répondre à la problématique d’invasion salée en contexte de socle sur d’autres secteurs géographiques. Quatre panneaux électriques, centrés sur un forage ayant capté de l’eau saumâtre, situé à 1,5 km de la mer, ont été réalisés. Ils ont permis de mettre en évidence une structuration du milieu en compartiments de granite « sain » et très résistants, séparés par des zones plus conductrices.
Des propositions d’actions et de gestion ont été formulées en conclusion de cette étude. Il convient notamment d’être particulièrement vigilant lors de la réalisation de nouveaux forages dans les secteurs potentiellement vulnérables identifiés et de prendre des précautions lors de l’exploitation des forages déjà en service afin de limiter les risques d’intrusions salines. La sensibilisation des utilisateurs des eaux souterraines dans la frange littorale semble primordiale.
La connaissance des mécanismes en jeu dans les phénomènes d’intrusion saline suscite un intérêt majeur de la part des acteurs du domaine de l’eau en Bretagne. En effet, le risque est actuellement élevé dans certains secteurs, et dans un contexte de changement climatique qui pourrait induire une augmentation du niveau de la mer et une modification de la recharge des aquifères, une accentuation du phénomène serait à craindre.