Le Syndicat Mixte de Gestion de l’eau potable de l’Ille-et-Vilaine (SMG Eau 35) a pour principale mission de sécuriser l’Alimentation en Eau Potable (AEP) du département d’Ille-et-Vilaine, sur le plan qualitatif et quantitatif.
Dans ce cadre, le SMG Eau 35 a sollicité le BRGM pour proposer une méthodologie permettant de définir des seuils de gestion sur les captages d’eau souterraine pour l’AEP du département d’Ille-et-Vilaine (seuils de vigilance et d’alerte) afin de garantir l’exploitation des ouvrages AEP. L’objectif de ce projet S-eau-S est de développer une méthode simple à mettre en œuvre pour les syndicats d’eau potable, permettant de relier les niveaux piézométriques observés dans les ouvrages exploités à d’éventuelles difficultés de pompage.
Connaissances préalables nécessaires pour fixer des seuils de gestion par ouvrage
La définition de seuils de gestion nécessite préalablement d’avoir une bonne connaissance des ouvrages de production, de la géométrie et des caractéristiques de l’aquifère sollicité mais nécessite aussi la présence d’un suivi piézométrique sur ces ouvrages.
L’objectif de cette étude est d’améliorer la gestion de la ressource vis-à-vis des ouvrages. Le critère de base est donc de connaitre le seuil de rupture de chaque ouvrage (niveau minimum admissible).
Dans un premier temps, les critères à prendre en compte pour pouvoir définir le niveau minimum admissible dans chaque ouvrage puis des seuils de gestion ont été listés :
- disponibilité et qualité des données de suivi : acquisition des données piézométriques, bancarisation et état des données disponibles ;
- position des équipements de l’ouvrage : pompe, crépine, drains, barbacanes ;
- géométrie de l’aquifère : arrivée d’eau, toit de l’aquifère captif, dénoyage admissible (aquifère libre), niveaux pyriteux, zéro NGF en milieu littoral.
Une grille de détermination du niveau minimum admissible a été réalisée, en concertation avec les hydrogéologues des syndicats du pôle grand ouest. Cet outil permet de définir sur chaque ouvrage souterrain le niveau piézométrique minimum admissible, à partir des informations disponibles sur l’ouvrage.
Téléchargement de la grille de calcul
Propositions de méthodes pour définir des seuils de gestion
Le BRGM a ensuite co-construit avec le SMG Eau 35 et avec la collaboration des syndicats d’eau du Pôle Ouest une méthodologie théorique de définition des seuils de gestion pour couvrir les différents cas de figure possibles (contextes et connaissances disponibles). Il a été décidé de raisonner en termes de lame d’eau exploitable, afin de pouvoir déterminer l’état de la ressource par rapport à un niveau minimum admissible.
Plusieurs méthodes ont été proposées pour fixer des seuils de vigilance et d’alerte sur les ouvrages souterrains exploités pour l’eau potable (taux de remplissage entre le niveau minimum admissible et le niveau maximum, prise en compte des rabattements, prise en compte de la baisse estivale de productivité, analyse des données de volume).
Le BRGM propose de retenir et de tester la méthodologie du taux de remplissage, qui consiste à fixer des seuils entre le niveau minimum permettant de prélever dans l’ouvrage sans conséquence négative (niveau minimum admissible) et le niveau maximum connu dans l’ouvrage, la différence entre ces deux niveaux étant appelée zone de battement d’exploitation. Le BRGM propose de fixer deux seuils par rapport à cette zone de battement d’exploitation correspondant à 50% de remplissage de cette zone (seuil de vigilance) et à 30% de remplissage (seuil d’alerte). Ces seuils permettent d’indiquer quelle réserve en eau est encore disponible, en traduisant cette réserve sous forme de niveau. Ces taux de remplissage doivent être ajustés en fonction des ouvrages, du contexte hydrogéologique et de l’impact du franchissement de ces seuils sur la productivité des ouvrages.
La 2e feuille de la grille de calcul permet de calculer ces seuils de gestion.
Validation de la définition de seuils basée sur le taux de remplissage
La méthode du taux de remplissage a été testée sur 3 ouvrages exploités d’Ille-et-Vilaine (deux forages et un puits), situés dans des contextes géologiques distincts (socle /sédimentaire), avec des exploitants différents.
Des visites de site ont été réalisées sur ces 3 ouvrages, les suivis disponibles ont été analysés et enfin des seuils de vigilance et d’alerte ont été calculés à partir de la méthode du taux de remplissage.
Conclusions et recommandations
La méthode n’a pu être complétement validée car les 3 ouvrages choisis disposent de chroniques courtes et parfois peu fiables : il faudra donc vérifier la pertinence de ces seuls et les relier à d’éventuelles difficultés pompage puis revoir ces seuils si nécessaire dans quelques années pour les adapter à l’exploitation de l’ouvrage.
L’analyse des critères permettant de fixer des seuils et les visites de sites réalisées amènent aux principaux constats suivants sur les ouvrages AEP souterrains d’Ille-et-Vilaine :
- la position du repère de mesure, de la sonde de mesure et l’unité (hauteur d’eau, profondeur, altitude) sont souvent mal connues,
- les chroniques de suivi des niveaux sont parfois peu fiables (précision de la sonde, unité de mesure, valeurs aberrantes, …),
- la position des équipements dans les ouvrages est relativement bien connue grâce à des inspections caméra réalisées récemment par le SMG Eau 35.
De ce fait et afin de permettre d’avancer sur la problématique, le BRGM préconise les actions suivantes pour chacun de ces constats :
Position du repère de mesure et de la sonde :
- vérifier la position de la sonde à chaque dépose de la pompe et à chaque intervention sur l’ouvrage, en mesurant la longueur du câble du capteur de pression ;
- compléter une fiche de vie par ouvrage pour bancariser les différents événements pouvant affecter la chronique, la production ou les rabattements : historique des ruptures d’approvisionnement, de l’entretien des ouvrages, des nettoyages et changements de pompe, des changements de sonde ;
- mettre un repère visuel sur chacun des ouvrages et sur chaque sonde pour identifier facilement le repère de mesure.
Fiabilité des chroniques :
- poursuivre l’acquisition et la bancarisation de données piézométriques dans les ouvrages AEP souterrains, fiabiliser les chroniques et les nettoyer en supprimant les valeurs peu fiables ;
- réaliser régulièrement des mesures manuelles de contrôle des enregistrements de la sonde de niveau ;
- envisager une homogénéisation des données bancarisées à l’échelle du département, en proposant un format de transmission des données (a minima niveau minimum et maximum journalier, unité, débit moyen, volume journalier) et en intégrant ces données dans un outil dédié (par exemple seQoya, développé par Aquasys, en Ille-et-Vilaine) ;
- bancariser les chroniques de volumes, de temps de pompage et/ou de débit de la pompe pour disposer d’autres mesures parfois plus fiables que les niveaux, pouvant également servir à l’étude de l’évolution de la productivité des ouvrages.
Position des équipements :
- réaliser des diagnostics caméra dans les ouvrages pour préciser l’équipement de l’ouvrage (crépines, barbacanes, pompe).
Ainsi, les solutions proposées sont perfectibles et ne sont pas définitives car elles n’ont pu être testées à grande échelle dans le cadre de ce projet : des évolutions seront donc à prévoir en fonction des résultats des tests qui seront menés sur des chroniques plus longues et fiabilisées. Il sera peut-être nécessaire de disposer de méthodes différentes en fonction des départements (contextes hydrogéologiques différents).
Il est proposé que les différents syndicats d’eau intéressés testent les méthodologies proposées (taux de remplissage, prise en compte des rabattements, baisse de productivité estivale) et fassent un retour d’expérience lors des prochaines rencontres de hydrogéologues des syndicats départementaux d’eau potable du Grand Ouest. Les seuils pourront être affinés dans quelques années et les pourcentages de remplissage pertinents sur chaque ouvrage pourront être définis. Il est en particulier important de vérifier la compatibilité des seuils qui seront définis par cette méthode avec ceux déjà fixés par les exploitants, par souci de cohérence et pour ne pas être en alerte systématique si le niveau minimum admissible est régulièrement dépassé.
Ce projet a mis en évidence l’importance de l’acquisition et de la bancarisation de données fiables, préalablement à toute tentative de définition de seuils de gestion ou de prévision de l’évolution des niveaux dans un ouvrage.
Le projet S-eau-S a permis d’engager la réflexion entre les différentes syndicats d’eau départementaux du Grand Ouest et le BRGM sur la définition de seuils de gestion, l’utilité de ces seuils et la fiabilité des chroniques de suivi des niveaux dans les ouvrages souterrains exploités pour l’eau potable.