Fond hydrogéochimique

Cet article destiné au public « expert » présente la notion de fond hydrogéochimique et la situation des connaissances pour la région Bretagne, à travers des études réalisées en 2007 et en 2017, respectivement à l’échelle nationale et à l’échelle du bassin Loire-Bretagne.

Sommaire

  1. Qualité naturelle des eaux : le fond hydrogéochimique
  2. Etat des connaissances : étude nationale en 2007
  3. Dernières avancées : étude en Loire-Bretagne en 2017
  4. Pour en savoir plus : quelques références bibliographiques

Qualité naturelle des eaux : le fond hydrogéochimique

La connaissance du fond hydrogéochimique (FHG), autrement dit de la composition chimique naturelle d’une eau souterraine, est essentielle à la compréhension des mécanismes d’acquisition du chimisme et à la gestion de cette ressource. C’est un préalable à toute démarche visant à mettre en évidence les contaminants anthropiques, mais aussi à établir des stratégies de réhabilitation ou encore à anticiper l’évolution de la qualité d’une nappe.

L’eau de pluie, légèrement acide, se charge au cours de son infiltration   dans le sol et le sous-sol en éléments dissous. Ainsi, chaque eau est unique et sa nature dépend de la composition chimique des roches qu’elle traverse. Il n’existe donc pas une, mais des qualités de l’eau.

En effet, la minéralisation finale d’une eau souterraine est fonction de la nature de la roche qui compose l’aquifère  , du type de circulation des eaux au sein de la roche, du temps de contact avec les minéraux, des phénomènes d’oxydo-réduction et du renouvellement de l’eau dans le réservoir par les apports d’eau météorique. Si les faciès hydrochimiques des roches sont bien connus sur l’ensemble du territoire, les caractéristiques chimiques des eaux ne sont connues qu’au travers des analyses chimiques réalisées dans le cadre de différents réseaux de suivi, aux objectifs et aux finalités très variés.

Dans certains contextes géologiques particuliers, l’eau peut s’enrichir naturellement en éléments mineurs, voire traces dits « toxiques » ou « indésirables » pour la santé humaine (liste des éléments toxiques et indésirables dans Blum et al., 2003). Les concentrations en certains éléments, même si elles sont parfois très faibles (quelques microgrammes par litre), peuvent alors dépasser naturellement les normes de potabilité.

En France, deux tiers (66 %) des volumes d’eau prélevés pour l’alimentation en eau potable   (AEP) proviennent des eaux souterraines   (d’après AFB, 2017). Même si les proportions sont inversées en Bretagne, où l’eau souterraine représente seulement 25% de l’eau potable, les eaux souterraines   constituent une réserve stratégique pour la production d’eau potable, dont la qualité est étroitement liée à la santé humaine.

De ce fait, dès 1998 avec le renforcement des normes sur l’eau potable, mais surtout avec la Directive Cadre Européenne sur l’Eau (DCE, directive 2000/60/CE) adoptée en 2000, la nécessité de connaitre le fond hydrogéochimique a pris une importance toute particulière. En imposant que les masses d’eau souterraine atteignent le « bon état », c’est-à-dire reviennent à leur état de référence, la DCE a conduit à développer des méthodes scientifiques d’évaluation de l’état naturel des eaux, notamment afin de mieux estimer l’impact des activités humaines et son évolution.

Les concentrations d’une vingtaine d’éléments majeurs, mineurs ou traces font l’objet d’une norme relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Or, les sources de ces éléments peuvent être doubles : naturelles et liées au contexte géologique d’une part, anthropiques et liées aux rejets des activités humaines d’autre part (rejets industriels ou urbains, fertilisations agricoles, etc.).

La gestion de l’eau potable et la distribution d’une eau propre à la consommation humaine nécessite donc de bien connaître l’origine de chaque élément et de pouvoir notamment distinguer les apports anthropiques des concentrations naturelles. En France, comme à l’étranger, de nombreux aquifères sont naturellement impropres à la production d’eau potable sans traitement.

Puisque certains aquifères présentent naturellement une eau non conforme aux normes de qualité pour la production d’eau potable, il est donc essentiel pour les gestionnaires de l’eau et les services de la santé en particulier d’identifier les zones susceptibles de présenter un risque de fond hydrogéochimique élevé avant d’envisager l’implantation de nouveaux captages.

Etat des connaissances – Etude nationale en 2007

Certains éléments peuvent être présents en fortes concentrations dans certains aquifères français, notamment :

  • l’arsenic, le baryum et le fluor : dans des aquifères sédimentaires, mais aussi en zone de socle   ;
  • le sélénium : dans des aquifères du Bassin parisien ;
  • le nickel : dans la nappe de la Craie du Bassin parisien ;
  • le bore et le plomb dans le Bassin aquitain ;
  • le plomb, l’antimoine et le zinc : en zone de socle  .

Des études antérieures sur le fond hydrogéochimique avaient permis d’identifier à l’échelle nationale plusieurs zones à risques de fond hydrogéochimique élevé avec des niveaux de confiance variable (cf. carte ci-dessous).

En 2007, l’étude à l’échelle nationale de Brenot et al., 2007 (BRGM/RP-55346-FR) avait identifié pour le Bassin Loire-Bretagne plusieurs zones à risques de fond hydrogéochimique élevé en arsenic (As), baryum (Ba), fer (Fe), fluorure (F), manganèse (Mn), plomb (Pb), sélénium (Se), zinc (Zn).

En Bretagne, les eaux souterraines   peuvent présenter des risques de fond hydrogéochimique élevé en plomb et arsenic. Il a aussi été mis en évidence des risques de fond hydrogéochimique élevé en fer et manganèse. La mobilité du fer et du manganèse étant fortement contrainte par les conditions physico-chimiques (potentiel d’oxydo-réduction, pH), il a par contre été difficile de délimiter précisément ces zones.

Zones à risque de fond géochimique élevé dans le Massif armoricain (Brennot et al., 2007)

Dernières avancées : étude en Loire-Bretagne en 2017

En 2017, l’étude à l’échelle du Bassin Loire-Bretagne de Devau et al., 2017 (BRGM/RP-67573-FR), indique que les eaux souterraines   du Massif armoricain peuvent présenter des concentrations naturellement élevées en arsenic (As), chlorures (Cl) essentiellement sur le littoral, cuivre (Cu), fluorure (F), nickel (Ni), plomb (Pb) et sélénium (Se) dans les roches sédimentaires. Comme sur l’ensemble du bassin Loire-Bretagne, il existe un risque de fond géochimique élevé en Bretagne pour le fer (Fe) et le manganèse (Mn). Le tableau ci-après synthétise ces observations en fonction de la lithologie (roches de socle   ou sédimentaires).

Tableau de synthèse en Bretagne : identification des anomalies naturelles
ArsenicChloruresCuivreFerFluorManganèseNickelPlombSélénium
Roches de socle   x littoral x x x x x x
Roches sédimentaires x x x x x x faluns  

Cette étude du BRGM par approche globale des fonds hydrogéochimiques des eaux souterraines   sur le Bassin Loire-Bretagne a permis de déterminer les concentrations de référence pour 21 éléments majeurs, mineurs et traces (Al, As, Ba, B, Cd, Cr, Cu, Fe, F, Mn, Hg, Ni, PT, Pb, Sb, Se, Zn, Cl, NH4, NO3 et SO4) pour le Bassin Loire-Bretagne, et donc pour les entités lithologiques présentes en Bretagne.

La définition des entités de fond hydrogéochimique a été réalisée en regroupant les lithologies ayant des distributions de concentration en élément similaire. Pour cela, le traitement statistique des données a été centré sur la comparaison de la distribution des concentrations en éléments majeurs, mineurs et traces en fonction des différents contextes lithologiques retenus pour caractériser chacun des 3 domaines étudiés (Massif central, Bassin parisien et Massif armoricain).

Les informations extraites pour cet article sont issues des résultats du domaine du Massif armoricain. Dans le cadre de cette étude, 9 entités lithologiques ont été définies pour le domaine du Massif armoricain : carbonate, formation superficielle, pluton indifférencié, pluton cadomien, pluton varisque, roche métamorphique, roche orthogneissique, sédiment et volcanite, socle   cadomien.

La détermination des concentrations de référence par entité pour les éléments majeurs, mineurs et traces a permis de définir les gammes de concentrations naturelles d’un élément dans les eaux ; c’est-à-dire acquises entièrement à partir d’une source   naturelle qu’elle soit géologique, biologique ou atmosphérique dans des conditions qui n’ont pas été perturbées par les activités anthropiques.

Avant de réaliser les tests statistiques (analyse univariée hiérarchisée non paramétrique (test de Kruskal-Wallis), distributions statistiques des concentrations combinées au test post-hoc de Nemenyi, centiles 90 des médianes) pour déterminer les concentrations de référence, les points d’eau dont la concentration en élément était influencée par une source   de contamination diffuse ou ponctuelle ont été retirés. Les concentrations de référence ont été obtenues en calculant le centile 90 à partir des concentrations en élément au sein de cette entité.

Le tableau ci-dessous présente les concentrations de référence par élément et par entité pour le domaine du Massif armoricain, établies sur la base des valeurs de centiles 90 (les centiles 90 peuvent être assimilés à la borne supérieure de concentration atteinte par le fond hydrogéochimique sur l’entité lithologique considérée).

Concentrations de référence (μg/L pour les éléments traces et mg/L pour Cl, NH4, NO3 et SO4) établies sur la base des valeurs de centiles 90 pour les entités de fond hydrogéochimique présentes dans le domaine du Massif armoricain

Pour en savoir plus : quelques références bibliographiques

AFB, 2017. BULLETIN N°2 : Prélèvements quantitatifs sur la ressource en eau (données 2013). Edition mars 2017.

Blum A., Chery L., Barbier J., Baudry D.et Petelet-Giraud E., 2003. Le fond géochimique naturel   des eaux souterraines  . État des connaissances et méthodologie, La Houille Blanche, n°2 Avril 2003, pp. 120-124.

Blum A., Wendland F., Kunkel R., Coestiers M., Van Camp M., Walraevens K., Gorova R., Berthold G., Fritsche G., Wolter R., Hinsby K., Marandi A., Simonffy Z., Kadunas K., Arustiene A., Griffioen J., Witczac S., Hookey J., Gustafsson J., 2006. Natural background levels. State of the art and review of existing methodology. In BRIDGE deliverable D10 “Impact of hydrogeological conditions on pollutant behaviour in groundwater and related ecosystems”.

Brenot A., Gourcy L., Allier D., Mascre C., Pons A., Chery L., Blum.A., 2007. Identification des zones à risque de fond géochimique élevé en éléments traces dans les cours d’eau et les eaux souterraines  . Cinq volumes (Bassin Artois-Picardie, Bassin Rhin-Meuse, Bassin Seine-Normandie, Bassin Loire-Bretagne, Bassin Adour-Garonne). BRGM/RP-55346-FR, 774 p.

Chery L., 2006. Qualité naturelle des eaux souterraines  . Méthode de caractérisation des états de référence des aquifères français, Collection Scientifique et Technique, BRGM Éditions, 238 p.

Devau N., Lions J., Schomburgk S., Bertin C., Blanc, P., Mathurin F., Thinon-Larminach M., Lucassou F., Le Guern C., Tourlière B., Doney C., Salquebre D., Chretien P., Boisson A., Sedan O., Gourcy L., 2017. Etude par approche globale des fonds hydrogéochimiques des eaux souterraines   sur le bassin Loire-Bretagne. BRGM/RP-67573-FR, 192 p.

Lions J., Mauffret A., Devau N., 2016. Evaluation des concentrations de référence des fonds hydrogéochimiques des eaux souterraines   par lithologie des aquifères. Rapport final. BRGM/RP-65594-FR, 110 p.

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