ANAFORE - Analyse multicritère des données des forages les plus productifs de Bretagne (2020)

Face aux enjeux dans un premier temps qualitatifs (augmentation des teneurs en nitrates  ) et devenus quantitatifs ces dernières années (augmentation des arrêtés sècheresses) sur l’ensemble du territoire breton, la compréhension, la recherche, la localisation et la mobilisation de nouvelles ressources en eaux souterraines   constituent un défi de taille pour la région où 75% de l’eau consommée provient des eaux superficielles. Ce défi est d’autant plus important dans le contexte actuel de changement climatique global et en l’absence de grand aquifère   sédimentaire (comme le bassin de Paris ou Aquitain) en Bretagne, constituée d’aquifères discontinus et de faible extension (aquifères de socle  ).

Afin de répondre à cet enjeu pour le futur, le programme ANAFORE (ANAlyse multicritères des données de FORage les plus productifs en BretagnE), mené entre 2017 et 2019, a eu pour objectif d’identifier les contextes géologiques et hydrogéologiques les plus favorables à la présence d’eau souterraine par l’analyse de 100 forages d’eau parmi les plus productifs en domaine de socle   breton (schiste & granite s.l.).

Ce projet financé par l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne (AELB ; 60%), le BRGM (20%), la Région Bretagne (10%) et l’Agence Régionale de Santé (ARS ; 10%), avec la consultation des syndicats d’eau départementaux, a permis de produire une cartographie de Zones Potentiellement Productrices (ZPP) en eau souterraine dont certaines ont été classées en Nappe à réserver pour l’Alimentation en Eau Potable   (NAEP) dans le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux   (SDAGE) Loire-Bretagne 2022-2027.

Vers une meilleure compréhension des aquifères de socle  

Le cœur du projet a consisté à analyser 100 forages parmi les plus productifs en eau souterraine du socle   armoricain, et à créer une typologie des zones productrices. Longtemps considéré comme peu riche en eau souterraine, l’existence dans le socle   armoricain de forages avec des débits instantanés conséquents, supérieurs à 60 m3/h (et jusqu’à 420 m3/h sur Guidel par exemple), prouvait le contraire.

A travers des acquisitions de terrain complémentaires (cartographie de l’altération   et relevé des directions de fracturation) sur chacun des 100 sites étudiés et à la compilation des données disponibles et acquises lors de leur réalisation, le BRGM a pu définir plusieurs typologies géologiques et hydrogéologiques (hydrauliques), expliquant pourquoi ces forages étaient particulièrement productifs. L’histoire géodynamique, tectonique, les lithologies en présence, l’altération   supergène, les données géophysiques et hydrogéologiques (débits instantanés, venues d’eau), la réinterprétation des essais de pompage avec la méthode des dérivées et les données hydrochimiques, ont permis de définir 10 typologies géologiques et 5 typologies hydrogéologiques principales, pouvant être combinées et représentatives de ces 100 forages d’eau souterraine.

Typologies géologiques

Les 10 typologies géologiques s’accordent avec l’histoire géologique du Massif Armoricain. La fracturation post hercynienne et l’altération   supergène sont communes à ces dix typologies mais la fracturation (et/ou l’altération  ) peuvent prendre des places plus ou moins importantes sur certaines (fracturation sur la typologie 8 par exemple et altération   et fracturation sur la typologie 10).

Localisation des forages étudiés dans le programme ANAFORE et classés par typologie géologique

Localisation des typologies géologiques ANAFORE sur la coupe du Massif Armoricain
  • La typologie 1 correspond à une « Auréole de métamorphisme recoupée par des failles ou fractures NS, N150° et/ou N045° », elle regroupe à 29% des forages étudiés dans le cadre du projet ANAFORE.
  • La typologie 2, « lithologie magmatique (granites, granodiorites) recoupée par des failles ou fractures NS, N150° et/ou N045° », regroupe 17% des forages étudiés.
  • La typologie 3, « Synclinal paléozoïque recoupé par des failles ou fractures NS, N150° et/ou N045° » concerne 12% des forages.
  • La typologie 4, « Profil d’altération   sous le Paléozoïque recoupé par des failles ou fractures NS, N150° et/ou N045° », regroupe 6% des forages.
  • La typologie 5, « Filons magmatiques dans une lithologie des failles ou fractures NS, N150° et/ou N045° », regroupe aussi 6% des forages.
  • La typologie 6, « Lithologie perméable dans une lithologie peu perméable recoupée par des failles ou fractures NS, N150° et/ou N045° », regroupe 5% des forages.
  • La typologie 7, « Failles et fractures transtensives NS, N150° et/ou N045° recoupant le Cisaillement Sud Armoricain », regroupe 10% des forages.
  • La typologie 8, « Failles et fractures transtensives NS, N150° et/ou N045° au Sud du Cisaillement Sud Armoricain ou structures satellites ou réutilisant une structure ancienne », regroupe 9% des données.
  • La typologie 9, « Lithologies effusives (volcanites) recoupées par des failles ou fractures transtensives N150° et N045° et/ou NS », ne regroupe que 2% des forages.
  • Et enfin, la typologie 10, « Aquifère   avec multi profils d’altération   le long de la faille de Quessoy/Nort-sur-Erdre », regroupe 4% des forages.

Typologies hydrogéologiques

5 typologies hydrogéologiques principales ont été définies à partir de la réinterprétation des essais de pompage réalisés sur les forages lors de leur réalisation historique et correspondent :

  1. Comportement hydraulique radial homogène,
  2. Comportement hydraulique radial associé à de la drainance,
  3. Ecoulement dans une faille ou un corridor de déformation,
  4. Compartimentation,
  5. Ecoulement linéaire dans une faille puis drainance.
Typologies hydrauliques/hydrogéologiques définies dans le cadre du programme ANAFORE

Ces typologies peuvent se combiner entre elles et différents types de limites (2 ou 4 limites étanches [1], limites d’alimentation [2]) peuvent éventuellement être visibles en fin d’essai de pompage (si l’essai est assez long pour que ces limites soient atteintes) et se surimposer aux typologies décrites.

Ces typologies mettent en avant :

  • le rôle des failles ou d’une perméabilité   située dans un corridor de déformation linéaire ;
  • la participation d’un aquifère   superficiel de type « latéritique » ou « alluvial », souligné par l’importance des phénomènes de drainance ;
  • la présence de réservoirs d’extension généralement limitée à quelques kilomètres (maximum 2 à 3).

Caractéristiques des sites productifs

L’analyse réalisée dans la cadre du projet ANAFORE a montré que :

  1. Les lithologies (nature des roches) n’expliquent pas à elles seules la présence d’eau souterraine
  2. Les failles jouent un rôle prépondérant, avec des orientations dominantes N150 +/- 20, NS +/- 20 et N045 +/- 20
  3. L’altération   est omniprésente sur les sites étudiés
  4. L’interaction entre failles et altération   semble être le paramètre important au caractère productif de chaque site, indépendamment des lithologies.

Une cartographie pour la préservation des ressources en eau potable

La finalité du projet a permis de définir une carte des Zones Potentiellement Productrices en eaux souterraines   (ZPP), sur toute la région Bretagne.
Sur la base de ce travail, l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne a proposé de classer certaines zones comme Zones de Sauvegarde pour le Futur (ZSF) ou Nappe à réserver pour l’Alimentation en Eau Potable (NAEP) dans le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux   (SDAGE) Loire-Bretagne 2022-2027.

Conclusion

Le programme ANAFORE a permis :

1. de mieux diagnostiquer les circulations souterraines de ces réservoirs souterrains de Bretagne et de permettre une meilleure protection pour le futur.

2. de préciser comment mieux les rechercher, par la caractérisation des relations lithologies (histoire géologique), failles et l’altération   des roches ;

3. et enfin de définir quels secteurs peuvent être propices en eaux souterraines   par la cartographie de 38 Zones Potentiellement Productives (ZPP).

Dans un contexte de changement climatique où des épisodes météorologiques extrêmes vont de plus en plus s’exprimer, ces nouveaux concepts d’aquifère   de socle   pourraient apporter l’une des solutions à la préservation quantitative et qualitative de l’alimentation en eau potable  .

Pour en savoir plus :

[1Limite d’un système aquifère faisant obstacle à tout transfert d’eau significatif (flux nul) et sans potentiel imposé.

[2Limite ouverte (ne faisant pas obstacle à un transfert d’eau significatif) d’un système aquifère à potentiel imposé ou non et à flux entrant dans les conditions naturelles ou modifiable au profit du système sous l’effet d’une exploitation. Exemple : nappe au contact d’un plan d’eau (ou d’une rivière).

Revenir en haut