Géologie du Massif Armoricain - Présentation générale
Introduction
Le Massif Armoricain, comme toutes les autres chaines de montagne de la planète, n’échappe pas à la règle de voir l’ensemble des roches ou des formations géologiques qui le composent, être organisées suivant une certaine nomenclature.
Cette nomenclature est utile et pratique car elle permet de discuter, d’échanger sur un domaine, une unité ou une formation géologique, les définissant comme objet ou ensemble géologique en tant que tel.
Ainsi des Alpes à l’Himalaya, des Pyrénées aux Appalaches, des nomenclatures sont venues regrouper les formations géologiques en grands domaines en fonction de leurs âges mais aussi de leurs déformations ou de leurs origines.
L’ensemble des Fiches de synthèse hydrogéologique des entités BD LISA qui ont été réalisées dans le cadre du projet SIGES, afin que soient facilitées leurs descriptions géologiques mais aussi leurs comparaisons pour les géoscientifiques qui les utiliseraient, ont été structurées sur la base de la nomenclature qui a été mise en place lors de la réalisation de la carte géologique à 1 : 250 000 du Massif Armoricain par Chantraine, Rabu et Béchennec, en 2001. Même si cette carte n’a pas encore été officiellement publiée, elle a pour avantage important d’avoir structuré la géologie du Massif Armoricain : chaque formation géologique appartient à un domaine géologique contenant au moins une à plusieurs unités.
Ainsi, le Massif Armoricain pour la région Bretagne peut être découpé en neuf grands domaines géologiques apparaissant sur l’illustration ci-dessous.
- Illustration 1 : Découpage du Massif Armoricain breton d’après Chantraine et al., 2001, carte géologique à 1:250 000 (cliquez pour agrandir)
D’Ouest en Est et du Nord au Sud, on trouve :
- le domaine varisque du Pays de Léon ;
- le domaine cadomien nord-breton ;
- le domaine cadomien normano-breton ;
- le domaine varisque médio-armoricain occidental ;
- le domaine varisque médio-armoricain oriental ;
- le domaine varisque de Bretagne centrale ;
- le domaine varisque ligéro-sénan ;
- le domaine varisque nantais
- et enfin le domaine sud-armoricain breton.
On retrouve, à travers les noms donnés à ces domaines géologiques, l’histoire géologique du Massif Armoricain qui est la superposition de deux évènements orogéniques (c’est-à-dire de deux chaines de montagne). Ainsi au nord des Côtes d’Armor et de l’Ille-et-Vilaine, les roches appartiennent à l’ancienne chaîne de montagne dite « cadomienne » avec ces deux domaines, en vert, à l’Ouest : le domaine cadomien nord-breton et à l’Est, en orangé : le domaine cadomien normano-breton ou encore appelé « mancellien ». La chaine cadomienne a été active entre 750 et 520 millions d’années environ. Les autres domaines sont eux principalement des domaines sur lesquels la fameuse ancienne chaine de montagne « hercynienne « ou »varisque » pour les spécialistes, est venue imprimer sa marque. Elle a été active entre 360 et 300 millions d’années environ.
La formation d’une chaîne de montagne se fait sous un régime tectonique compressif, qui correspond au rapprochement de deux masses continentales. Le rapprochement de ces deux continents, séparés par un océan, entraîne la disparition de celui-ci. Mais entre ces deux compressions cadomiennes et hercyniennes, que s’est-il passé ? Et bien il y a eu après la période cadomienne, un épisode qui s’oppose à la compression et qui a été « extensif ». D’environ, 500 à 360 millions d’années, il y a eu la création de bassins sédimentaires, résultat de l’extension (c’est-à-dire de l’étirement de la croute continentale) et le dépôt dans ces bassins, de conglomérats, grès et d’argiles jusqu’à des calcaires.
Le Massif Armoricain dans l’océan Atlantique
L’histoire géologique du Massif Armoricain correspond à la fermeture d’anciens océans dans un premier temps durant le Cadomien (entre 700 et 520 millions d’années) puis durant l’Hercynien (entre 360 et 300 millions d’années). Cette fermeture finale est la collision entre deux anciens continents :
- Gondwana correspondant à l’Europe et l’Afrique (à l’Est)
- et Laurentia correspondant à l’ancienne Amérique du Nord à l’Ouest (Illustration 2).
Depuis Laurentia au Nord-Ouest et vers Gondwana au Sud-Est, il existait un premier océan, maintenant fermé, l’océan Iapétus-Tomquist, dont la fermeture va entrainer la formation de masses continentales de plus petites tailles comme Avalonia et Armorica, elles-mêmes séparées entre elles par d’autres océans comme : Rhéïc puis l’océan Galice-Massif central (Illustrations 2 & 3).
Pour la chaine cadomo-hercynienne bretonne, le Massif Armoricain était pris entre au moins deux à trois subductions de domaines océaniques ayant des vergences opposées, permettant d’identifier au moins deux à trois sutures océaniques de part et d’autre de la microplaque ibéro-armoricaine.
- Illustration 2 : Géométrie et cinématique des plaques durant une longue partie du Paléozoïque, en première approximation (Ballèvre et al., 2013)
- Si la définition des plaques Laurentia, Baltica et Gondwana ne pose pas de problème, les microplaques intermédiaires (Avalonia, Armorica), d’origine nord-gondwanienne, restent encore contestées, au moins dnas leur cinématique et parfois même dans leur existence.
Au Nord, la suture cadomienne est attestée par la disparition de l’océan « Iapétus-Tromquist » et la présence de roches basiques en centre Bretagne (Calanhel (22) ; Graviou et al., 1988) ; les sutures hercyniennes (un à plusieurs sutures océaniques d’Audierne (29) à Drain (49)), correspondant aux disparitions au Nord, de l’océan « Rhéïc » dans le pays du Léon et au Sud de l’océan Galice-Massif central dans le domaine sud-armoricain, sont attestées par la présence des schistes bleus de Groix ou du Bois-de-Céné (85) et des éclogites d’Audierne (29), de Cellier (44) ou des Essarts (85).
- Illustration 3 : Reconstitution de la chaine appalachienne transatlantique avant l’ouverture de l’Atlantique (à gauche : Laurentia ; à droite : Gondwana)
L’histoire géologique cadomienne et hercynienne
- Illustration 4 : Bloc diagramme 3D du Massif Armoricain (modifié, d’après Lajoinie et al., 1986)
- Illustration 5 : Carte géologique au millionième de la Bretagne et failles associées, Eds BRGM
Les domaines cadomiens nord-breton et normano-breton
Au nord du Cisaillement Nord Armoricain (CNA), la déformation date pour l’essentiel de l’histoire orogénique cadomienne (de 750 millions d’années à 540 millions d’années).
A une collision continentale succède une période de subduction océanique vers le sud-est. Les structures tectoniques (c’est-à-dire les failles) de direction N40°-N50° vont enregistrer un raccourcissement oblique, orienté environ NNE-SSW (Brun et al., 2001).
L’arc volcanique et le bassin arrière arc, construits lors de cette phase de subduction, vont chevaucher une marge continentale vers le Sud-Est, entraînant un métamorphisme (transformation des roches) à haute température et basse pression.
La fin de l’histoire cadomienne est marquée dans la partie Est de ces domaines, par le dépôt d’une épaisse série sédimentaire conséquence de l’érosion rapide de la chaîne cadomienne (les schistes du Briovérien). Pour clôturer le tout, se mettent en place des granites qui scellent à 540 millions d’années la fin de la déformation du Domaine Cadomien (Graviou et al., 1988).
Repris dans la collision hercynienne, ce socle cadomien se comportera comme un bloc résistant, encaissant des déformations cassantes, concentrées le long des failles héritées.
Les domaines varisques de centre Bretagne (domaine varisque médio-armoricain occidental, domaine varisque médio-armoricain oriental et domaine varisque de Bretagne centrale)
Ces domaines sont essentiellement constitués de roches sédimentaires déformées en schistes peu à pas métamorphiques. Les dépôts les plus anciens datent du Protérozoïque supérieur (570 millions d’années, les fameux schistes du Briovérien) et proviennent de l’érosion de la chaîne cadomienne située au Nord (Chantraine et al., 1988 ; Le Corre et al., 1991).
Dès le Cambrien et au cours de l’Ordovicien (de 500 à 395 millions d’années), une phase d’extension affecte l’ensemble du Massif Armoricain, qui se traduit par le dépôt de sédiments continentaux localisés dans des structures en blocs basculés (Brun et al., 1991). La série sédimentaire (depuis les schistes rouges en passant par les grès armoricains et les schistes noirs d’Angers, etc.), se poursuit jusqu’au Dévonien (395 millions d’années, Guillocheau et Rolet, 1982 ; Robardet et al., 1994). A partir du Dévonien supérieur, les sédiments préservés sont plus rares et souvent alignés le long des grands cisaillements que sont les Cisaillements Nord et Sud Armoricain (CSA et CNA). A partir du Carbonifère (345 millions d’années), les grands cisaillements nord et sud armoricains, montrent des déformations décrochantes dextres (vers la droite) et la sédimentation est confinée dans de petits bassins le long de ces structures (Pelhate et al., 1994), accompagnées de la mise en place de granites clairs (leucogranites) (Berthé et al., 1979a et b).
Le domaine varisque du Pays de Léon
Son histoire se rapproche de celle des domaines sud-armoricains, où dans cette hypothèse, le Léon correspondrait à un bloc exotique d’affinité sud-armoricaine qui à la limite Dévonien-Carbonifère (345 millions d’années environ), se serait juxtaposé à l’Armorique, le long d’une zone de failles ductile, décrochante et dextre, mais cette hypothèse est encore débattue.
Il correspond à la mise en place de roches métamorphiques sous la forme de nappes chevauchantes, incorporant des reliques d’éclogites (métabasites de Lesneven), datées à 440 million d’années. L’intensité de la déformation, atteint un métamorphisme (transformation des roches originelles), allant jusqu’à localement l’anatexie (c’est-à-dire la fusion des roches comme à Tréglonou, Plounévez-Lochrist, Plouguerneau) et datée autours de 380 millions d’années. Enfin cet ensemble subit la mise en place des granites d’âge carbonifère (300 millions d’années environ) et le fonctionnement de zones de cisaillement ductiles décrochantes (dans Cagnard F., 2008).
Le domaine varisque Ligéro-sénan
Ce domaine est situé entre les Branches Nord et Sud du Cisaillement Sud Armoricain (BrNCSA et BrSCSA). Les roches sédimentaires de ce domaine s’individualisent par rapport aux domaines varisques de centre Bretagne, à partir de l’Ordovicien (Robardet et al., 1994). La Branche Nord du CSA et l’orthogneiss de Lanvaux ont été reconnus comme constituant une limite paléogéographique du Paléozoïque (Robardet et al., 1994). Cette limite sépare également deux domaines présentant une évolution géologique différente de la déformation carbonifère. Alors que la déformation des domaines varisques de centre-Bretagne est continue et générale, celle du domaine varisque ligéro-sénan est localisée le long sur des failles orientées WNW-ESE.
Les domaines varisques nantais et sud armoricain breton
Situés au Sud de la Branche Sud du Cisaillement Sud Armoricain (BrSCSA), ces domaines constituent la « zone interne » de la Chaîne hercynienne (c’est-à-dire la partie la plus déformée). Ils sont essentiellement composés de roches métamorphiques présentant une déformation ductile intense. Récemment, des études « pétrologiques et géochronologiques », sont venues préciser leur histoire tectonique, qui peut être divisée en deux phases principales.
- Un épaississement « crustal » vers 360/370 millions d’années (Le Hébel et al., 2002), concomitant à une exhumation de roches venant de haute pression et faible température, très particulières, dont les plus beaux exemples pour la Bretagne, sont les schistes bleus de l’Ile de Groix (enregistrant une pression de 18 kbar (60 km de profondeur) et une température de 500-550°C), vers 350 millions d’années (Bosse et al., 2000) ;
- et un amincissement au Carbonifère supérieur, avec la remontée et le refroidissement des roches migmatitiques entre 320 et 300 millions d’années (Gapais et al., 1993 ; Brown et Dallmeyer, 1996) et la mise en place de granites clairs à 310-300 millions d’années (Bernard-Griffiths et al., 1985 ; Le Hébel et al., 2002).
Reconstitution à partir de blocs diagrammes 3D de l’évolution géodynamique du Massif Armoricain
Les blocs diagrammes 3D qui suivent sont tirés d’un document de synthèse intitulé « Grandes étapes de l’histoire géologique de quatre régions françaises – Le Massif Armoricain » (Lajoinie et al., 1986) et ont été redessinés par le BRGM en 2018.
Afin de suivre et de resituer l’évolution géodynamique du Massif Armoricain dans l’espace et dans le temps, le trait de côte a été superposé et est en blanc sur les blocs diagrammes 3D ci-dessous.
- Illustration 6 : Subduction de 420 à 400 millions d’années (modifié, d’après Lajoinie et al., 1986)
- Illustration 7 : Collision de 400 à 380 millions d’années (modifié, d’après Lajoinie et al., 1986)
- Illustration 8 : Les prémices de l’empilement des nappes de 350 à 340 millions d’années (modifié, d’après Lajoinie et al., 1986)
- Illustration 9 : Le paroxysme de la déformation de 340 à 330 millions d’années (modifié, d’après Lajoinie et al., 1986)
L’histoire géologique après l’Hercynien
Les lignes qui suivent s’inspirent très largement de l’article de M. Ballèvre et collaborateurs, paru en 2012-2013, intitulé : « Histoire géologique du Massif Armoricain : actualité de la recherche », dans le Bulletin de la Société Géologique et Minéralogique de Bretagne (SGMB), et complété d’illustrations et autres articles de synthèse.
Le Carbonifère supérieur (320-300 Ma)
Alors que les plaques s’entrechoquent et que l’épaississement de la croûte terrestre est maximal, des bassins sédimentaires s’installent au Viséen au Westphalien (entre 340 et 310 Ma). Ces bassins annoncent la fin de la collision à la fin du Westphalien (310 millions d’années), la création d’une multitude de petits bassins stéphaniens (310-300 Ma).
- Illustration 10 : Bloc diagramme de la Bretagne au Carbonifère de 330 à 300 millions d’années (modifié, d’après Lajoinie et al., 1986)
Cette épisode d’effondrement gravitaire est généralisé à l’ensemble du domaine sud-armoricain. Au sud du Cisaillement Sud-Armoricain (CSA), une zone de cisaillement ductile, en faille normale, datée aux alentours de 300 Ma par quelques intrusions de leucogranites syncinématiques (Quiberon : Brown et Dallmeyer, 1996 ; Sarzeau : Turrillot et al., 2010), sépare :
- un ensemble supérieur de porphyroïdes de Belle-Île à la Vendée et les schistes bleus de Groix et du Bois-de-Cené,
- d’un ensemble sous-jacent de gneiss et schistes du Golfe du Morbihan et des Sables d’Olonne (Gapais et al., 1993 ; Cagnard et al., 2004).
Dans la partie supérieure, l’extension ductile de direction E-W dans les porphyroïdes comme dans les schistes bleus de l’île de Groix, développe des blocs basculés d’échelle décamétrique pouvant marquer l’épisode extensif carbonifère. Dans la partie inférieure, on trouve un dense réseau de filons granitiques, de direction N20, dont celui de l’île d’Arz fait partie.
Cette extension est synchrone avec le CSA mais n’est pas reconnue au nord de celui-ci, et la cinématique du CSA peut être, en partie, compatible avec ce mouvement extensif. Cet effondrement est associé à la naissance de nombreuses intrusions granitiques.
Cette extension est accompagnée des successions sédimentaires qui enregistrent l’érosion de la chaîne dont certains niveaux vont être charbonneux comme au Stéphanien, le long du CSA à Quimper (29) ou dans la Baie des Trépassés (29).
Au Permien (300-250 Ma) : La Manche s’émancipe
Faisant suite à l’extension carbonifère supérieur, le rifting de la Manche se met en place.
Le Trias (250-200 Ma) : Erosion
Le Trias est une longue période d’érosion c’est-à-dire où les reliefs vont être arrondis, ameublis. Si sur le Massif Armoricain breton, il n’existe pas de dépôts triasiques (pour le moment reconnus) ; cependant dans les dépôts triasiques de bassin de Paris, des éléments provenant de la Bretagne, sont présents comme ceux issus des unités de Saint-Georges-sur-Loire (49) ou des Mauges (49), attestant que le Massif Armoricain correspondait à un relief. Ce n’est qu’à la fin du Trias, que la sédimentation reprend sur les marges du Massif Armoricain, cependant entre la base du Permien (env. 290-270 Ma) la fin Trias (env. 210-200 Ma), persiste une lacune de 60 Ma environ, ce qui souligne une histoire du Massif Armoricain continentale.
Les prémices de l’ouverture de l’Atlantique et la remontée de la plaque Afrique
La fermeture des domaines océaniques lors de la formation des chaines de montagne cadomienne et hercynienne a entrainé la création d’un continent important : la Pangée.
L’ouverture de l’Atlantique, peut-être par une accumulation importante de chaleur, va entrainer la dislocation de la Pangée, expliquant que des parties de cette chaîne varisque soient observées d’une rive à l’autre de l’Atlantique ; dans un premier temps, créant une microplaque ibérique (Espagne, Portugal), puis dans un second temps, la plaque Europe avec l’ouverture du golfe de Gascogne, au Crétacé. Enfin l’ouverture de l’Atlantique Sud entrainera une remontée de la plaque Afrique vers le Nord et la création de la chaine pyrénéenne.
Les témoins de cette histoire géologique ne sont pas clairs dans le Massif Armoricain, en termes de parts respectives à attribuer à un évènement ou à un autre.
- Illustration 11 : Evolution géologique post hercynienne du Massif Armoricain (Ballèvre et al., 2013)
Les seules roches (ou formations géologiques) avec des âges qui coïncident avec cette période sont les filons de dolérites. Dans l’ouest du Massif Armoricain, ces filons de dolérites de 10 à 30 m d’épaisseur, atteignent des longueurs considérables (plusieurs dizaines, voire une centaine de kilomètres). Le plus connu est celui qui recoupe suivant une direction SE-NW toutes les structures hercyniennes depuis la baie de Concarneau jusque dans le Léon (Caroff et al., 1995 ; Caroff et Cotten, 2004 ; Illustration 11). Ces dolérites sont des roches basaltiques de type tholéiitique, issues de magmas de la fusion partielle du manteau supérieur avec une contamination de la croûte inférieure et datées à la limite Trias/Jurassique à environ 200 Ma (Jourdan et al., 2003).
Ces filons parallèles aux failles tardives varisques (comme la « faille Kerforne »), se retrouvent aussi sur les marges continentales américaines et africaines. Dans l’Atlantique septentrional, de tels filons sont également connus à Terre-Neuve et en Espagne. Les filons doléritiques de la partie orientale du Massif Armoricain sont donc généralement considérés comme associés aux premiers stades du rifting atlantique, et permettent de déterminer la dérive apparente du pôle au Jurassique (Sichler et Perrin, 1993).
La transgression jurassique
L’histoire géologique entre 240 et 65 millions d’années demeure assez mal connue. Les séries sédimentaires du Trias et du Jurassique (230 à 200 millions d’années), qui se déposent en Manche, en Aquitaine et dans le Bassin parisien, n’ont aucun témoin connu sur la péninsule bretonne. Seules des intrusions magmatiques (sous la forme de filons de dolérites de direction NW-SE à NS) et datées à 205 Ma, témoignent d’une période d’extension, prélude de l’ouverture de l’océan Atlantique nord.
Aucun témoin de la transgression jurassique ne subsiste au cœur du Massif Armoricain, bien que la possibilité de l’existence de ce Jurassique dans le sous-sol de Chartres-de-Bretagne ait été envisagée, mais réfutée à la suite du forage Chartres1 (Bauer et al., 2010). A une échelle globale, celle de la France, voire de l’Europe occidentale, la mer jurassique recouvrit une paléotopographie plane : la chaîne varisque fut, peut-on dire, pénéplanée dès le début du Jurassique. Cette « pénéplanation » n’est probablement pas le seul résultat d’une longue période d’érosion, mais la combinaison entre cette érosion et une ou plusieurs tectoniques extensives.
La chaîne varisque, construite durant le Dévonien et le Carbonifère, a été pénéplanée au Permien et au Trias, comme le montre la « fossilisation » de sa paléotopographie par la transgression jurassique (Bessin, 2015).
L’image selon laquelle le Massif Armoricain constitue depuis le Permo-Trias une île au sein des mers méso-cénozoïques persiste, comme l’atteste les affleurements de galets sur son pourtour (Illustration 12).
- Illustration 12 : Localisation des formations permo-triasiques du Massif Armoricain (modifié d’après Ballèvre et al., 2013)
Le Cénozoïque (la maladie tertiaire)
Au Cénozoïque (65 millions d’années), la Bretagne est considérée comme essentiellement continentale (Illustration 13 ; Durand, 1960 ; Estéoule-Choux, 1967) et les roches du Massif Armoricain (schistes, gneiss et granites) auraient pu subir une altération , les transformant in situ en arènes, limons et argiles d’altération (riche en kaolinite). A ces altérites résiduelles, on retrouve des occurrences de fer (cuirasses), exploitées depuis la Préhistoire. L’Éocène inférieur (55 millions d’années), est caractérisé par une période d’altération importante des roches du substratum, décrites ci-dessus, sous des climats chauds et humides, déterminant des profils latéritiques de 70 à 100 m d’épaisseur. La fin de cette période d’altération est marquée par des horizons de silicification (conglomérats, grès ladères et de sabal) interprétés par Wyns et Guillocheau (1999), comme une période, pour l’Europe du nord, caractéristique d’une subsidence lithosphérique. Ces silicifications d’âge supposé Eocène moyen sont observables sur l’ensemble de la Bretagne.
Les failles NW-SE cassantes vont s’individualiser sur les filons de dolérites carbonifères à triasiques, et jouer pendant le Tertiaire (comme la Faille ou Accident de Quessoy-Nort-sur-Erdre FQN ou encore de Chartres-de-Bretagne/Pont-Péan), pour créer des bassins d’effondrement (grabens) qui vont se remplir de sédiments argilo-sableux accompagnés de minces niveaux de lignite. Les mouvements tectoniques syn- à post- Éocène affectent les niveaux latéritiques, leur conférant une géométrie « en touches de piano ». Le remplissage de ces bassins va se poursuivre de l’Oligocène au Miocène par l’intermédiaire d’argile, de calcaires, et de sables calcaires (Mer des faluns ). Au Miocène tardif - Pliocène, les sables rouges et les dépôts marins associés vont venir combler une paléo-topographie de type « ria » (Guillocheau et al., 1998).
- Illustration 13 : La mer autour du Massif Armoricain il y a 8 à 10 millions d’années
Le Quaternaire correspond au début des cycles glaciaires (Illustration 14) et donc à un changement climatique général vers 2,4 millions d’années. On constate une alternance de périodes froides et de réchauffements (périodes tempérées ou interglaciaires). Pendant les périodes froides, la ligne de rivage va être plus basse que l’actuel et, sur les parties continentales, un gel va provoquer la fracturation des roches affleurantes et leur transit sur les versants, par cryoturbation, fauchage et gélifluxion (heads). Pendant les périodes tempérées interglaciaires, les niveaux des mers vont être proches de l’actuel.
- Illustration 14 : La côte bretonne au début du Quaternaire
- Le niveau de la mer atteint l’altitude + 100 m, seule une partie de la Bretagne reste émergée (e marron).
L’Holocène (interglaciaire actuel) marque le retour d’un climat tempéré depuis 10 000 ans environ. Même si la fin de la dernière glaciation est mal connue, on dispose de nombreuses informations sur la flore et les variations du niveau marin depuis 8 000 ans (Morzadec-Kerfourn, 1974). La ligne du rivage est ainsi remontée de 80 m jusqu’au 0 actuel.
- Illustration 15 : La côte bretonne pendant les dernières glaciations
- Le niveau de la mer est environ 100 m plus bas qu’aujourd’hui, entrainent un côte à 50 voire 100 km au large du rivage actuel.
De ce fait, les principales vallées des rivières côtières actuelles se prolongent en mer, ce réseau de paléo-vallées ennoyées ayant été creusé lors de périodes froides, en relation avec les abaissements importants du niveau marin (Illustration 15), notamment au Pléistocène supérieur (entre 8 000 et 120 000 ans).
La sismicité actuelle
La base de données nationale de la sismicité historique SisFrance du BRGM, de l’EDF et de l’IRSN (2008) dénombre pour les séismes d’intensité épicentrale supérieure ou égale à 5, pour la région Bretagne, 38 séismes, s’étalant de 1843 à 2002.
L’un des séismes les plus importants pour la région Bretagne est la secousse sismique du 30 septembre 2002, avec une intensité épicentrale de 5,5 dans la région d’Hennebont. Ce séisme n’a pas fait de victimes, mais a causé des dégâts matériels réduits comme des chutes de cheminées, fissurations de murs, bris de vitres. Ce séisme du 30 septembre 2002 de Hennebont, a fait l’objet d’un article scientifique publié (J. Perrot et al., 2005) et il serait la conséquence d’une faille d’orientation N120-N150 ayant rejoué, suivant une contrainte locale orientée NW-SE avec une composante décrochante et en faille normale (affaissement). La profondeur de l’épicentre de ce séisme se situerait à environ 12km.
Cependant, d’autres séismes peuvent être signalés, comme celui du 9 janvier 1959 en Cornouaille à Melgven (29), avec une intensité épicentrale de 7, ou encore celui du 16 janvier 1930 d’intensité épicentrale de 7 à Meucon (56) dans les Landes de Lanvaux (Illustration 16).
- Illustration 16 : Extrait de la cartographie de la sismicite instrumentale de la France metropolitaine entre 1962 et 2018 (www.sisfrance.net)
Géologie et géomorphologie
L’architecture géomorphologique de la Bretagne est donc le résultat combiné des deux cycles orogéniques (chaînes de montagnes), que sont la chaîne cadomienne (620 millions d’années) et la chaîne hercynienne (360 millions d’années), mais aussi l’œuvre de l’érosion et de l’altération qui n’ont pas eu les mêmes effets et intensités en fonction de la résistance des différentes formations. Ainsi on retrouve l’empreinte géomorphologique de certains granites comme celui cadomien de Bonnemain mais aussi les traces des grandes failles (CNA, CSA, BrNCSA et BrSCSA) et des roches déformées qui leurs sont associées (Landes de Lanvaux notamment) (Illustration 17).
- Illustration 17 : Géomorphologie de la Bretagne (Source : BD Alti, IGN)